Une soirée glaciale d'hiver de l’année 1863
Les rues de cette petite ville d’Angleterre étaient désertes. Il devrait faire approximativement -5°C.
Dans une ruelle sans issue, aux maisons d’ouvriers abandonnées, une femme était accroupie par terre.
La jeune dame aux très longs cheveux jaïs, regardait dans le vide. Ses yeux d’un brun profond, semblaient perdus.
Sa robe empire trainait par terre et ne laissait rien transparaître.
Elle se releva, comme si de rien était, cependant quelque chose la trahissait : ses mains remplies de sang.
Et soudainement, le cri strident d’un nouveau-né. Encore un.
Mais cette fois, c'était différent. Le reste de la fratrie ignorait cette septième grossesse.
La famille n’arrivait déjà pas à manger à sa faim, ce nouveau membre n’était donc pas le bienvenu.
Une fois le cordon coupé et la robe relevée, la jeune maman approcha sa lampe à pétrole tout près du visage du bébé.
Et quelle fût sa surprise en découvrant que le cadet de la famille, ne ressemblait en rien à ses ainés.
Son physique provoquait même une sorte de dégoût chez elle...
Comment une chose pareille pouvait être sa progéniture? Le bébé avait les cheveux roux, un rouge feu…
La jeune femme, dissimula le laideron dans la gibecière à moitié déchirée qu’elle portait.
Du sang d’humain ou du sang animal, son mari n’y verrait que du feu.
Elle avait l’habitude de lui mentir, et ce depuis de bien nombreuses années.
Durant ces nombreuses heures sous la pluie, plusieurs scenarios avaient traversé son esprit : le garder, l’ensevelir sous la neige.
Mais elle savait qu’il serait mort, elle n’avait pas le cœur à ça.
Ce bébé n’avait rien demandé à part de vivre, il méritait une deuxième chance.
La seule solution était de le déposer au couvent. Elle savait que le nouveau-né y serait secouru et ne manquerait de rien.
Mais elle hésita. Ce qu’elle s’apprêtait à faire était le choix le plus difficile qu’elle avait eu à faire.
Le bébé, lui, n'avait pas dit un mot durant tout le trajet, et n'avait même pas réclamé à manger.
Comme si cette petite chose, aussi petite soit-elle, avait déjà compris que sa mère n'aurait pas la patience d'entendre ses cris.
Le couvent se repérait de très loin, grâce à sa magnifique très haute tour de pierre. Elle n’était plus qu’à quelques mètres maintenant, sans doute les plus éprouvants. Une fois arrivée devant cette sublime porte aux dessins taillés dans l’or, elle emmaillota son rejeton dans son étole favorite de couleur émeraude. Ensuite, elle le posa sur les marches glacées du couvent. Elle fit demi-tour sans se retourner, les derniers signes de cette femme furent ses pas dans la neige qui venait de tomber. Elle se sentait soulagée, libérée d’un poids. Mais elle savait également que ce serait le plus gros secret qu’elle devrait porter de toute sa vie...